Finances communales
Les finances communales sont un vaste sujet qui touche à la fois aux comptes des communes, à leur fiscalité, à la péréquation financière, aux principes de gestion ou encore au plan comptable. Sur cette page, vous trouverez des informations sur la situation financière des communes, notamment en comparaison avec celle du canton. Les aspects liés au plafond d'endettement des communes se trouvent également dans cette section.
En revanche, les thèmes du nouveau modèle de compte harmonisé 2 (MCH2), la fiscalité communale ou la péréquation financière sont abordés sur d'autres pages de notre site.
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Après 10 ans dans les chiffres rouges et une dette en constante augmentation, le transfert de charges du canton sur les communes en 2004, lié à la participation à la cohésion sociale (ex-facture sociale), et les retours de la BNS contribuent à l’amélioration des finances de l’État. La participation indirecte à la politique de désendettement cantonale et l’évolution des politiques publiques contribuent au développement d’une dynamique financière difficile à soutenir à long terme pour les communes : la dette communale prend l’ascenseur et les budgets communaux sont sous tension.
Présentation de l’analyse
La dynamique présentée ici s’étend de 1993 à 2020 et s’intéresse aux dépenses et recettes courantes[1] des communes et du Canton de Vaud, ainsi qu’à leur dette[2] respective. Cette approche met véritablement en lumière les situations financières de ces deux niveaux institutionnels, notamment en lien avec les dettes publiques correspondantes. L’échelon communal est comparé avec le canton même si, prises individuellement, les communes connaissent des variations très différentes sur les agrégats étudiés. S’il est ainsi possible d’observer les évolutions financières cantonale et communale dans leur ensemble, il est impossible d’affirmer que les communes se portent bien : il n’y a pas de « compensation » entre communes afin d’atteindre un résultat global positif, contrairement au canton qui constitue véritablement une seule entité financière. Ce sont donc bel et bien les évolutions d’agrégats financiers qu’il s’agit d’observer.
Afin de montrer le chemin financier parcouru par les communes vaudoises et le canton, et de proposer quelques facteurs explicatifs, quatre graphiques permettent d’identifier les agrégats retenus : les graphiques 1 et 2 présentent l’évolution des dépenses et des recettes courantes, respectivement en CHF et en base 100[3]. Cette seconde présentation facilite la comparaison entre l’État et les communes qui n’ont pas la même surface financière. Les graphiques 3 et 4 suivent la même logique concernant les dettes.
De 1993 à 2003 : évolutions semblables pour le canton et les communes
Durant cette période, les évolutions des dépenses (de 100 à 142 pts) et des recettes courantes (de 100 à 136 pts) des communes (en rouge sur les graphiques 1 et 2) sont assez semblables. Ce n’est qu’à partir de 2002 que l’augmentation des dépenses devient plus importante, accompagnée d’une certaine stagnation des recettes. Ce phénomène, expliqué en partie par le ralentissement de la conjoncture économique, réduit la marge d’autofinancement[4], constante jusque-là, tout en restant positive et proportionnée à la dette de l’ensemble des communes. Cette dernière augmente également dans les mêmes proportions (de 100 à 136 pts) pour atteindre son niveau le plus haut sur cette période, CHF 5.07 mrd.
En ce qui concerne le canton, les évolutions des dépenses (de 100 à 131 pts) et des recettes (de 100 à 132 pts) sont semblables, mais moins fortes que dans les communes. Après une baisse en 1995, l’augmentation de ces deux agrégats, dans une proportion similaire, ne permet pas à l’Etat de dégager une marge d’autofinancement positive sur cette période : CHF –1.02 mrd au total. Faute de moyens financiers suffisants pour rembourser la dette cantonale, celle-ci connaît une forte augmentation.
De 2004 à 2007 : mise en place d’EtaCom
L’année 2004 est marquée par l’aboutissement du projet EtaCom qui définit une nouvelle répartition des tâches et des charges entre le canton et les communes. L’Etat reprend certaines dépenses communales, comme l’enseignement, et accompagne ce transfert d’une bascule d’impôts en sa faveur de 22.5 pts. Cette nouvelle répartition, réalisée à l’avantage de l’Etat, va profondément influencer l’évolution des tendances entre les deux niveaux institutionnels. En particulier le passage d’un tiers à la moitié des dépenses sociales (facture sociale) à charge des communes, qui lui n’est pas accompagné d’un transfert d’impôts équivalent …
A partir de 2004, la situation financière des communes vaudoises est ainsi corrigée : l’écart positif entre les dépenses et les recettes courantes est amélioré et reste constant durant la période. La dette diminue sensiblement, jusqu’en 2010.
C’est du côté de l’Etat que les impacts sont les plus importants, puisqu’il connaît en 2004 le dernier « effet ciseau » positif concernant ses dépenses et recettes courantes sur l’ensemble de la période 1993-2018 (Graphique 2). En effet, les recettes courantes ne seront plus inférieures aux dépenses courantes (ni en base 100, ni en CHF). L’écart se creuse créant ainsi une marge d’autofinancement positive et très conséquente, permettant à l’Etat d’entamer une diminution drastique de sa dette. Elle passe de CHF 8.65 mrd en 2004 à CHF 5.41 mrd en 2007. Si le projet EtaCom a notablement participé à ce changement, d’autres facteurs y ont contribué, comme une situation économique favorable et des retours de la BNS directement affectés à la diminution de la dette.
De 2008 à 2012 : de nouvelles réformes
Cette période est marquée par deux transferts de tâches et de charges entre le canton et les communes, ainsi qu’une nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) accompagnée d’une réforme de la péréquation intercantonale. En 2008, la RPT produit un report de charges sur le Canton de Vaud et une diminution sensible de ses recettes. Ce phénomène et un ralentissement économique péjorent la situation financière cantonale : la marge d’autofinancement s’amenuise et, par répercussion, les remboursements de la dette diminuent (en particulier en 2011 et 2012).
En 2011 et 2012 ont lieu les deux transferts concernant respectivement la reprise par le canton de certaines dépenses sociales communales comprises dans la facture sociale et la nouvelle organisation policière vaudoise. Tous deux sont accompagnés d’une bascule de points d’impôts : 6 pts des communes vers le canton pour la facture sociale et 2 pts du canton vers les communes concernant l’organisation policière. Les communes connaissent une relative volatilité de leurs dépenses et recettes courantes sur cette période, même si au final, l’augmentation des deux agrégats est relativement faible. La dette de l’ensemble des communes reprend le chemin ascendant à partir de 2011.
De 2013 à 2020 : changement des équilibres
Les conséquences des bascules de 2011 et de 2012 se font sentir dans les finances cantonales, les dépenses courantes diminuent puis se stabilisent alors que les recettes continuent d’augmenter de manière conséquente. Sur l’ensemble de la période 1993-2020, les dépenses courantes sont passées de 100 à 233 pts, alors que les recettes courantes ont évolué de 100 à 255 pts. Partant d’une marge d’autofinancement négative en 1993, celle-ci est fortement positive en 2020. La dette cantonale continue de diminuer puis se stabilise en-dessous du milliard (excepté en 2014 et 2018). Sur la totalité de la période analysée, elle passe de 100 à 26 pts en 2020, avec un maximum à 227 pts en 2004.
En ce qui concerne les communes, la période 2013-2020 est une période de croissance constante. La dette de l’ensemble des communes continue d’augmenter, de manière relativement conséquente par rapport aux variations passées, à laquelle s’ajoute la dette intercommunale provenant des associations de communes. Ces dernières connaissent un fort développement puisqu’elles répondent à la mise en œuvre de certaines politiques publiques communales qui nécessitent une organisation adaptée par la mise en commun de ressources. L’augmentation des dettes communales et intercommunales s’explique par le développement, ou la réforme, de certaines prestations publiques à charge des communes très gourmandes en infrastructures : l’école obligatoire, l’accueil de jour des enfants, la gestion des déchets ou encore l’épuration des eaux. Sur la base des données de 2014[5], la projection montre que l’augmentation des dettes de l’ensemble des communes et intercommunales est très conséquente (courbe orange). Ceci se confirme par des investissements nets environ deux fois plus importants pour les communes que pour le canton depuis 2013. Sur l’ensemble de la période 1993-2020, ces dettes augmentent de 100 à 183 pts (172 pts sans les associations de communes).
Des équilibres financiers relatifs
Comme nous l’avons montré, les évolutions des dépenses et des recettes courantes entre le canton et les communes sont différentes : 241 pts pour les recettes cantonales, contre 211 pts pour les recettes communales. L’écart d’évolution entre les dépenses cantonales et communales est en revanche beaucoup plus faible, respectivement 217 pts contre 215 pts (Graphique 2, année 2019). De plus, la dette publique varie d’un rapport 1/1 canton-communes en 1993 à 0.15/1 en 2019. La dette de l’ensemble des communes est 6.6 fois plus élevée que celle du canton, alors qu’elle était identique en 1993. Les concessions réalisées par les communes pour soutenir le canton dans sa politique de désendettement, notamment par un transfert du financement de la participation à la cohésion sociale sur les communes en 2002-4, ont eu des impacts notoires. Le transfert du financement de la part communale à la participation à la cohésion sociale (ex-facture sociale) passant de 33.3% à 50% depuis 2004 a ainsi fait économiser au canton quelques CHF 3.5 mrd [6] ! L’évolution des (nouvelles) politiques publiques communales sont également facteurs de changements au niveau de l’endettement. Les collectivités locales n’ont pas eu la possibilité d’inscrire une telle augmentation sur la marge d’autofinancement et une diminution aussi conséquente de la dette que celles du canton. Les équilibres ont ainsi évolué, cette constatation se vérifie même en modifiant l’année de référence.
L’augmentation constante de la dette de l’ensemble des communes n’est pas soutenable à long terme et les conséquences financières de ces mêmes réformes pèsent et pèseront également dans les finances communales. Pour n’en citer que quelques-unes : le développement de l’accueil de jour des enfants (LAJE), les conséquences de l’organisation scolaire (LEO) en termes d’infrastructures, la diminution des recettes fiscales des personnes morales due à la RIEIII cantonale et la RFFA fédérale. Dans ce contexte, la crise du Covid-19 est venue noircir le tableau notamment par des diminutions des recettes fiscales conséquentes. Nous en évaluerons les impacts avec les chiffres 2021 et suivants, notamment pour ce qui a trait à la guerre en Ukraine et les incertitudes y liées quant au prix de l’énergie et autres matières premières. Le récent accord entre l’État et l’UCV proposant un rééquilibre financier de CHF 150 mios ne portera pleinement ses fruits qu’en 2026, au mieux. D’ici là, des solutions sectorielles, même provisoires, devront être développées pour accompagner les communes.
Informations
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[1] « L’adjectif « courante » fait référence à des éléments qui sont utiles au cours d’une seule année, contrairement aux investissements qui sont utiles sur plusieurs années. Les notions de recettes et dépenses font référence à des éléments qui ont une incidence sur la trésorerie (encaissements ou décaissements). Par conséquent, elles ne comprennent pas les opérations purement comptables, qui sont inclues dans les charges et les revenus », Annuaire Statistique Vaud 2017, p. 357.
[2] Il s’agit des dettes à court, moyen et long termes.
[3] Pour chaque agrégat considéré, la valeur en CHF de 1993 est ramenée à 100 pts. Les valeurs suivantes sont comparées à cette base 100. Par exemple, si la valeur en pts de 2003 est de 200 concernant les dépenses courantes des communes, alors cet agrégat a doublé en 10 ans.
[4] « […] la marge d’autofinancement représente le montant que la collectivité peut consacrer au financement de ses investissements, à l’achat d’actifs financiers ou au remboursement de ses dettes », Annuaire Statistique Vaud 2017, p. 357.
[5] Sur la base de la situation 2014, la dette intercommunale est projetée depuis 2011 à tendance constante.
[6] « Facture sociale : un transfert sur les communes oublié », UCV, màj décembre 2019
- En proportion, les communes doivent soutenir une dette 11.9 fois plus élevée que celle du canton, avec la même marge d’autofinancement. Sans tenir compte des proportions, la dette des communes reste 6.7 fois plus conséquente que celle du canton.
- En proportion, les communes doivent faire face à des investissements 3.5 fois plus élevés que ceux du canton, avec la même marge d’autofinancement. Sans tenir compte des proportions, les investissements des communes sont 2 fois plus élevés que ceux du canton.
- Les dépenses nettes d’investissement sont plus importantes que la marge d’autofinancement dans les communes, ce qui implique le recours à la dette. Ce n’est pas le cas au niveau cantonal.
Comparer la situation financière du canton et celle des communes, prises dans leur ensemble, peut être hasardeux si l’on ne tient pas compte des bons éléments de comparaison et de la mise en perspective appropriée. Nous vous proposons ici d’aborder cette question à l’aide d’un modèle simple : le triangle des agrégats financiers. Cet article est mis-à-jour une fois par année, avec les données les plus récentes.
L’analyse présentée dans cet article vulgarise l’approche comparative des situations financières du canton de Vaud et des communes vaudoises. Pas de retraitement du bilan difficilement explicable, pas de modification des résultats sous couvert de réserves, préfinancements ou provisions : des chiffres comparables entre les échelons cantonal et communal. Si cette mise en perspective prend du recul sur les particularités des situations communales, elle a le mérite de proposer une vision globale de la situation actuelle, sur la base des derniers chiffres publiés par Statistique Vaud, ayant comme année de référence 2020. Les évolutions financières du canton et des communes vaudoises ont déjà été traitées dans un article[1] sur le sujet. Ici, c’est avant tout la comparaison des situations financières qui priment.
Trois agrégats de finances publiques à prendre en compte
Le triangle des agrégats financiers est composé de trois éléments : la marge d’autofinancement (MA), la dette (D) et les dépenses nettes d’investissement (DNI). La figure ci-dessous représente ces trois agrégats que nous allons vous expliquer, à l’aide d’un parallèle avec le domaine privé.
Une marge pour s'autofinancer - Imaginons que vous souhaitiez contracter un emprunt hypothécaire pour acheter une maison. Le banquier va, en premier lieu, vous demander votre salaire et vos charges annuels. En d’autres termes, il cherche à déterminer quelle part de votre salaire est encore disponible pour rembourser la dette et/ou payer les intérêts passifs y relatifs. Selon la même logique, si vous souhaitez financer par vos propres moyens une maison, vous devrez probablement épargner pour investir. Dans les deux cas, un « solde disponible » doit être dégagé par la différence entre votre salaire et vos charges annuels.
Ce montant vous permettra de soutenir la dette ou investir (épargner pour investir). En finances publiques, ce solde s’appelle la marge d’autofinancement : il s’agit de la différence entre les revenus courants et les charges courantes[2]. Elle peut donc servir à rembourser la dette, mais également à financer de nouveaux investissements.
Une dette à soutenir - Reprenons notre exemple de l’emprunt hypothécaire. Afin de déterminer quel pourrait être le montant maximum de l’emprunt, le banquier devra tenir compte de votre solde disponible. Il veut s’assurer que vous êtes en mesure d’honorer votre emprunt, à savoir vous acquitter du service de la dette (intérêts et remboursements). Plus la différence entre votre salaire et vos charges annuels est élevée, plus les moyens disponibles pour le service de la dette sont importants, donc plus le montant de l’emprunt peut être conséquent.
En finances publiques, c’est le même principe : la dette[3] est en relation directe avec la marge d’autofinancement. Plus cette dernière est élevée, plus la collectivité publique est en mesure de soutenir une dette importante. Il est donc possible d’évaluer la situation financière en tenant compte du rapport entre la dette et la marge d’autofinancement
Des investissements pour dépenser - Comme nous l’avons mentionné, afin de financer un investissement, comme par exemple une formation continue ou une voiture, vous avez la possibilité d’utiliser votre solde disponible (qui aura peut-être été constitué en épargne) ou emprunter. Plus vos dépenses d’investissement sont importantes, plus votre dette et/ou votre solde disponible sont élevés. À contrario, une faible différence entre votre salaire et vos charges annuels vous contraindra à investir et/ou emprunter avec parcimonie.
En finances publiques, les collectivités investissent dans des infrastructures qu’elles financent en partie grâce à leur marge d’autofinancement, mais surtout en empruntant. Les dépenses nettes d’investissement (DNI) (dépenses d’investissement moins les recettes d’investissement) sont donc directement corrélées avec le niveau d’endettement et la marge d’autofinancement.
Comparer à l'aide du triangle des agrégats financiers
Comme nous l’avons mentionné en introduction, nous allons comparer les trois agrégats présentés pour le canton et les communes, en 2020.
En proportion - L’État et les communes, prises dans leur ensemble, n’ont pas la même surface financière. En d’autres termes, l’État a des dépenses et des recettes courantes plus conséquentes que l’ensemble des communes réunies. Il est donc nécessaire d’adapter les valeurs en proportion, nous avons choisi comme référence le niveau communal. Pour ce faire, nous allons utiliser les recettes courantes comme étalon : la proportion des recettes courantes entre le canton et les communes est de 1.78 pour l’année 2020. Ceci signifie que pour CHF 1.- de recettes communales, l’État en compte CHF 1.78. Nous allons ainsi ramener la situation du canton à l’échelle communale, en divisant les valeurs cantonales par 1.78.
La comparaison du triangle - Dans une perspective comparative, les valeurs relatives de la marge d’autofinancement, de la dette et des dépenses nettes d’investissement sont présentées dans le graphique ci-dessous, dont les valeurs sont reprises dans le tableau.
En proportion, la marge d’autofinancement du canton est quelque peu plus basse que celle des communes. Les moyens financiers à disposition pour soutenir la dette et investir, une fois les dépenses courantes payées, sont donc supposément un peu meilleurs pour les communes que pour l’État, en 2020.
En proportion toujours, la dette des communes est 11.9 fois supérieure à celle du canton (11.3 en 2019), sans tenir compte des dettes intercommunales contractées dans les associations de communes pour financer principalement les infrastructures scolaires et d’épuration des eaux. Sans tenir compte des proportions, la dette des communes reste encore 6.7 fois plus élevée que celle du canton. Le rapport entre les moyens à disposition pour soutenir la dette (la marge d’autofinancement) et la dette est de 1.6 (1.5 en 2019) pour le canton et 13.5 (15.3 en 2019) pour les communes. En d’autres termes, si l’État consacrait la totalité de sa marge d’autofinancement au remboursement de sa dette, il mettrait 1.6 an. Les communes, elles, mettraient 13.5 ans. Cet indicateur s’appelle le renouvellement de la dette.
Les dépenses nettes d’investissement des communes sont plus importantes que celles du canton. En proportion, les communes investissent 3.5 (4 en 2018) fois plus que le canton, avec des moyens financiers (marge d’autofinancement) 1.4 fois supérieurs seulement. Sans tenir compte des proportions, les investissements des communes restent encore 2 fois plus élevés que ceux du canton.
En millions de CHF | Communes | Rapport | Canton en proportion | Canton |
Marge d'autofinancement (MA) | 481 | 1.4 | 336 | 599 |
Dette (D) | 6'514 | 11.9 | 547 | 975 |
Dépenses nettes d'investissement (DNI) | 528 | 4.0 | 151 | 268 |
Conclusion
Si de nombreuses raisons expliquent cette situation, elle fait abstraction de la dimension intercommunale, mais également des besoins réels et futurs. En effet, les dépenses nettes d’investissement n’apportent pas suffisamment d’information pour déterminer si les politiques d’investissement de l’État et des communes sont appropriées aux politiques publiques, suffisantes par rapport aux prestations proposées, adaptées au renouvellement des infrastructures, etc. De plus, dans le cas des communes, la vue d’ensemble masque les différences de situations financières entre elles.
Nous pouvons cependant relever que la situation des communes est difficile, ce qui a tendance à créer des tensions dans les budgets communaux. L’augmentation plus conséquente de la dette (+14% entre 2016 et 2020) par rapport aux moyens financiers pour la soutenir (marge d’autofinancement, +7% entre 2016 et 2020) contraint les communes dans leurs marges de manœuvre politique et financière, ainsi que leurs politiques d’investissement. Le récent accord entre l’État et l’UCV sur le financement de la participation à la cohésion sociale (ex-facture sociale) constitue une partie de la solution pour améliorer la situation des communes. Toutefois, ses pleins effets n’interviendront qu’en 2026, au mieux. D’ici là, les événements liés à la crise du Covid-19 ainsi que les incertitudes quant aux prix de l’énergie (notamment) en raison de la guerre en Ukraine engendrent une situation nouvelle, marquée par des baisses de recettes fiscales. Cette nouvelle donne n’est pas prise en compte dans cet accord. Le canton et les communes n’ont pas les mêmes prédispositions financières pour affronter les difficultés à venir.
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[1] « Les évolutions financières du canton et des communes vaudoises depuis 1993 », UCV, màj avril 2022, disponible sur www.ucv.ch.
[2] « L’adjectif « courante » fait référence à des éléments qui sont utiles au cours d’une seule année, contrairement aux investissements qui sont utiles sur plusieurs années. Les notions de recettes et dépenses font référence à des éléments qui ont une incidence sur la trésorerie (encaissement ou décaissements). Par conséquent, elles ne comprennent pas les opérations purement comptables, qui sont inclues dans les charges et les revenus (comme les amortissements du patrimoine administratif et les imputations internes). », Annuaire Statistique Vaud 2018, p. 361.
[3] Il s’agit des dettes à court, moyen et long termes.

Pour investir dans des infrastructures nécessaires à la population, les communes peuvent avoir recours à l’emprunt. Le financement des investissements est ainsi disponible lorsqu’il est nécessaire. En contrepartie, la commune doit être en mesure de rembourser ses emprunts, au plus tard, à la fin de la durée de vie des investissements réalisés. Afin de s’en assurer, elle mettra en place une politique d’amortissement comptable, qu’il est possible de considérer comme une « épargne forcée ». Avant d’investir, la commune doit toutefois veiller à ce que le niveau de sa dette ne dépasse pas sa capacité économique d’endettement, à savoir la limite en CHF qu’elle est en mesure de supporter financièrement en termes d’endettement. Cela afin de ne pas léguer une dette aux générations futures ou être en situation de surendettement. Cette capacité économique d’endettement dépend des moyens financiers à disposition que la commune peut et/ou souhaite engager.
S’il existe plusieurs mécanismes de frein à l’endettement , le système des communes vaudoises consiste à déterminer un niveau maximum d’endettement appelé plafond d’endettement. Fixé pour la durée de la législature, ce plafond est une limite politique, déterminée en CHF, au-delà de laquelle la commune ne peut s’engager sans demander une autorisation au Conseil d’État. En principe, le plafond d’endettement devrait correspondre à la capacité économique d’endettement.
Les enjeux financiers actuels et futurs des communes, en particulier ceux liés à l’externalisation de la dette communale dans les associations de communes, nécessitent une réflexion sur le système actuel de plafonds d’endettement et de cautionnement. Toutefois, celle-ci ne peut se faire préalablement à la mise en place du modèle comptable harmonisé 2 (MCH2) dans les communes et à la révision législative qui en découle (LC et RCCom).
En conséquence, l’UCV recommande de fixer le plafond d’endettement au maximum à la valeur de la capacité économique d’endettement de la commune et de réévaluer cette dernière périodiquement durant la législature. Quelle que soit la méthode utilisée pour évaluer ce plafond, il est indispensable que les résultats prennent en compte la situation financière réelle de la commune.
À l’aube de réformes majeures dans certaines politiques publiques communales, il est normal de se questionner sur l’avenir des communes. Non pas pour remettre en cause leur fonction, utilité ou autonomie, mais pour s’interroger et trouver des solutions adaptées aux enjeux futurs. Cet article aborde quelques pistes de réflexion soulevées par le Secrétaire général puis Directeur de l’UCV jusqu'en juin 2021, M. Gianni Saitta.
Comment se dessine leur futur, notamment en regard de l’évolution du Canton ? Quelles sont les prestations qui doivent rester au niveau local ? Quelles seront les compétences des communes et leurs moyens financiers pour les mettre en œuvre ? C’est l’autonomie communale qui est interrogée et mérite que l’on prenne le temps d’y réfléchir en tenant compte de l’organisation communale au sens large et souhaitée pour les années à venir.
Trois enjeux auxquels fait face l’autonomie communale
Aujourd’hui, ce principe n’est pas remis en question. Toutefois, on peut observer à travers l’évolution des politiques publiques communales - comme l’enseignement obligatoire ou l’aménagement du territoire - que la collaboration avec les autorités cantonales complexifie l’action communale, instaure un flou quant à la démarche à adopter et peut générer des tensions et blocages pour la mise en œuvre. Dès que deux niveaux de gouvernement sont nécessaires pour instaurer une politique publique, l’exercice devient plus difficile, surtout si les compétences respectives et les modalités du partenariat ne sont pas bien définies.
Seconde difficulté de cette autonomie communale : la « non-concordance » entre les frontières territoriales communales et les dimensions adéquates pour une réalisation efficace et efficiente de certaines politiques publiques. L’école obligatoire, l’épuration de l’eau, la gestion des déchets sont autant d’exemples qui démontrent une inadéquation entre la taille de la majorité des communes vaudoises[1] et la taille critique pour produire ces prestations qui doivent être mises en place dans toutes les communes. Ainsi, les plus petites doivent collaborer ou fusionner. Dans le premier cas, cela engendre des déficits démocratiques et des difficultés politiques et de pilotage. Dans le second, elles doivent développer une vision sociétale cohérente et la défendre devant leurs habitants, parfois réticents pour des questions fiscales de court terme.
Enfin, la troisième difficulté importante est l’opposition d’une vision fédéraliste défendue par les communes, qui souhaitent préserver leur autonomie, et la volonté centralisatrice d’un Etat fort. Paradoxalement, c’est justement en profitant de la complexité et la marge de manœuvre octroyée par un système fédéral que l’Etat a pu affirmer ses positions sur les différentes politiques publiques, parfois avec un peu d’opportunisme. L’interprétation de certaines législations a ainsi permis de développer une technocratie sclérosante, à l’image de la politique d’aménagement du territoire cantonal. Cette opposition est donc un obstacle à la valorisation des situations locales et à l’autonomie communale.
Quelques propositions pour améliorer le statut de l’autonomie communale
Pour un (meilleur) futur en communes, il est nécessaire de résoudre ces difficultés en redéfinissant un partenariat avec l’Etat, en rééquilibrant les moyens financiers entre Canton et communes, en posant des limites claires de la répartition des compétences et en explorant des pistes de réflexion sur l’organisation territoriale des communes, leur mode de fonctionnement et de collaboration.
Une mesure concrète : le transfert de la part communale à la facture sociale des communes vers le Canton
En juin dernier, le Canton et l'UCV ont annoncé que la part communale à la facture sociale du Canton, soit CHF 850 mios correspondant à presque la moitié du total des dépenses sociales, allait être transférée au Canton. En d’autres termes, ce dernier devrait assumer seul cette facture. Cette réforme est l’occasion de revoir l’équilibre financier, ou plutôt le déséquilibre, entre Canton et communes[2]. En transférant des charges (facture sociale) des communes vers le Canton, tout en basculant moins de recettes (bascule de points d’impôt moins importante), l’opération permet un rééquilibrage financier entre les deux échelons institutionnels, tout en améliorant la répartition des tâches. Mais cette mesure n’est pas suffisante.
Une réforme du système péréquatif plus que nécessaire
En basculant la facture sociale, c’est également tout le système péréquatif qu’il faut revoir. Le dispositif actuel ne répond déjà plus aux besoins des communes et de nombreux problèmes techniques ont vu le jour. Un système péréquatif est basé sur des principes de solidarité et constitue une réponse aux déséquilibres entre communes, liés à la répartition des tâches. C’est donc une question communale et cantonale, notamment parce que certaines prestations communales dépassent les frontières des communes qui les mettent en place. Avec la péréquation verticale (du Canton vers les communes), c’est le contribuable cantonal qui participe à ce type de services. Afin de gagner en clarté, la répartition des tâches doit donc également être repensée. La question de la proximité locale reste un élément primordial dans la réflexion à mener sur l’ensemble des politiques publiques actuelles et futures. Et ce n’est pas en questionnant les différents services de l’Etat qu’une réponse serait apportée : qui répondrait vouloir supprimer son service au profit d’une recentralisation communale ?
Les limites des collaborations intercommunales
Une fois cette clarification réalisée, il faut avoir le cran de se poser la question de la taille des communes vaudoises, en termes de nombre d’habitants. Aujourd'hui, elles peinent à fusionner pour devenir plus grandes. Pourtant, elles veulent conserver leur autonomie, qui nécessite justement une taille appropriée pour les politiques publiques dont elles ont la charge. Alors, elles collaborent avec d’autres et mettent en exergue toutes les difficultés de l’intercommunalité, pour finalement disposer d’une autonomie toute relative.
Parallèlement, l’idée d’un quatrième niveau ou d’une solution équivalente, entre les niveaux communal et cantonal, sous forme de « micro-régions » permettant de déléguer de manière cohérente certaines prestations concernant un bassin de vie plus large que le niveau communal, n’a pas encore fait son chemin. Il est trop tard pour revenir en arrière dans les politiques publiques : on ne peut plus avoir tous les degrés scolaires dans une classe, ni sa mini STEP communale ou aménager le territoire dans son coin. La question de l’organisation territoriale doit être envisagée et la politique des fusions revue à travers de réelles visions sociétales de développement, quels que soient les avantages financiers proposés dans un processus de fusion. Si les communes souhaitent conserver leur autonomie et retrouver de (nouvelles) tâches communales, elles doivent s’en donner les moyens. Et ces moyens passent par la réorganisation territoriale, l’amélioration des collaborations intercommunales ou la mise en place d’un quatrième niveau.
Imaginons un futur possible pour l’autonomie communale
En redéfinissant cette organisation et en rééquilibrant les finances, les communes pourront assurer leurs prestations, en développer de nouvelles et assurer leur viabilité financière à long terme. Car pour de nombreuses politiques publiques actuelles et à venir, l'échelon communal reste le bon niveau pour leur implémentation. Cette proximité permet la cohérence avec le terrain, l'agilité nécessaire pour réaliser les objectifs visés, la revalorisation des acteurs locaux, et le développement des démarches participatives afin d'envisager différentes solutions locales et l'investissement de la population.
De nombreuses idées foisonnent sur ces questions, dont la cohérence dépend des éléments présentés jusqu'ici. En voici quelques-unes :
- Une fiscalité différenciée entre personnes physiques et morales à l'aide de deux coefficients (taux) d'impôt communaux. Cette solution, appliquée dans d'autres cantons, permettait une politique communale différenciée et atténue certains effets de réforme fiscales comme la RIE III (RFFA).
- La création de centres régionaux de perceptions pour encaisser les impôts et les taxes communales, dans le cas où les communes seraient (encore) trop petites pour disposer des services à l'interne. L'objectif n'est pas de faire doublon avec l'ACI, mais de maîtriser l'encaissement, améliorer la statistique en la matière et se rapprocher du contribuable, même si la taxation reste cantonale.
- La réorganisation de certaines politiques publiques, afin de favoriser un déploiement plus cohérent. Avec l'évolution de la société, de nouvelles politiques ont vu le jour comme l'accueil de jour et la politique familiale. Il est nécessaire d'intégrer de manière cohérente ces politiques aux prestations déjà proposées. L'école obligatoire et l'accueil de jour pourraient, par exemple, dépendre des mêmes structures (service ou collaboration intercommunale), avec les mêmes aires de recrutement, mêmes transports, mêmes infrastructures, mêmes règles, etc. D'autres prestations, comme les réseaux d'aides et de soins à domicile, devraient être passées à la moulinette d'une bonne réflexion en la matière.
- Anticiper et développer les politiques publiques d'avenir, comme celles des seniors, en proposant de véritables services de coordinations entre la population bénéficiaire, les acteurs du milieu et les prestations complémentaires communales.
- Revoir l'aménagement du territoire en simplifiant les démarches pour les administrés et les communes. Ces dernières doivent retrouver une réelle autonomie en la matière et les services cantonaux doivent fonctionner de manière plus efficiente sur cette thématique. Un véritable partenariat doit être trouvé. Enfin, selon la taille des communes, la création d'un organe intercommunal-régional d'urbanisme devrait être envisagée.
- Parce que l'avenir des communes c'est aussi l'environnement, elles devraient participer activement aux développements de solutions locales, en particulier dans leurs domaines de compétences : valorisation de la production énergétique au niveau local (revalorisation des déchets verts et énergie solaire). Des solutions en réseau locaux pourraient être privilégiées.
- Enfin, du côté des finances, de nouveaux mécanismes et indicateurs doivent être instaurés pour une gestion et une compréhension des finances communales plus facile et transparente. Si l'on veut que conserver un système de milice (à l'exécutif et au législatif (délibérant communal) dans cette évolution communale, il est indispensable d'apporter les outils nécessaires. Un tableau de bord standardisé, avec quelques indicateurs simples[3], ainsi qu'un mécanisme de frein à l'endettement et de stabilisation des finances communales peuvent être proposés. Sur ce dernier, le système d'une augmentation automatique du coefficient (taux) d'impôt lorsque la commune présente des indicateurs dans le rouge plusieurs années de suite, est une solution envisageable. Elle a déjà porté ses fruits dans d'autres canton, l'important étant de sélectionner les bons indicateurs.
Beaucoup d’autres idées et solutions doivent être pensées, discutées et envisagées pour anticiper le futur en communes. Dans tous les cas, c’est avec des communes fortes que le Canton sera fort, et vice versa. Un partenariat constructif entre les deux niveaux institutionnels doit être mis en place, afin qu’un chemin puisse être dessiné ensemble pour les années à venir. L’Union des Communes Vaudoises accompagnera les communes dans ces processus comme elle l’a fait depuis plus de 110 ans maintenant. Avec son expertise et son expérience, elle est le partenaire incontournable des communes vaudoises.
Auteur : M. Gianni Saitta, Secrétaire général puis Directeur de l'UCV jusqu'en juin 2021
[1] 175 des 309 communes vaudoises ont moins de 1'000 habitants et 82% des communes comptent moins de 3'000 habitants en 2019.
[2] L’UCV a publié plusieurs articles traitant de cette question, ils sont tous disponible sur https://www.ucv.ch/thematiques/economie-et-finances/finances-communales/
[3] Voir Gianni Saitta, « Manuel d’introduction à la gestion financière communales », UCV, Pully, 2018.